Notre immeuble (et sa plage) a une histoire…

Le quartier des Catalans est un quartier de bord de mer à Marseille. Il tient son nom d’un groupe de pêcheurs catalans qui s’était installé ici au XVIIe siècle. Le quartier s’organise autour de la plage des Catalans, entre le Palais du Pharo et la célèbre Corniche Kennedy. 

Les Catalans vers 1800
Le Port des Catalans à Marseille, vers 1800 Aquarelle de 25x35cm par Jean-Jérôme Baugean

« Un jour, une colonie mystérieuse partit de l’Espagne et vint aborder à la langue de terre où elle est encore aujourd’hui. Elle arrivait on ne savait d’où et parlait une langue inconnue. Un des chefs, qui entendait le provençal, demanda à la commune de Marseille de leur donner ce promontoire nu et aride, sur lequel ils venaient, comme les matelots antiques, de tirer leurs bâtiments. La demande lui fut accordée, et trois mois après, autour des douze ou quinze bâtiments qui avaient amené ces bohémiens de la mer, un petit village s’élevait.
Ce village construit d’une façon bizarre et pittoresque, moitié maure, moitié espagnol, est celui que l’on voit aujourd’hui habité par des descendants de ces hommes, qui parlent la langue de leurs pères. Depuis trois ou quatre siècles, ils sont encore demeurés fidèles à ce petit promontoire, sur lequel ils s’étaient abattus, pareils à une bande d’oiseaux de mer, sans se mêler en rien à la population marseillaise, se mariant entre eux, et ayant conservé les mœurs et le costume de leur mère patrie, comme ils en ont conservé le langage.
Il faut que nos lecteurs nous suivent à travers l’unique rue de ce petit village, et entrent avec nous dans une de ces maisons auxquelles le soleil a donné, au-dehors, cette belle couleur feuille morte particulière aux monuments du pays, et, au-dedans, une couche de badigeon, cette teinte blanche qui forme le seul ornement des posadas espagnoles. »

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo (1re éd. 1845) chap. 3 (« Les Catalans »)

Source

À la fin du 19e siècle, la cité phocéenne assiste à la création de nombreux bains de mer sur son littoral. Avec l’entreprise de travaux d’aménagement urbain (route de la Corniche), le « bain de mer des Catalans » en fait partie. Dans le roman Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, la fiancée d’Edmond Dantès, Mercedes est censée vivre dans ce petit village côtier.

On voulait alors faire de cette anse, une plage à la mode proche de la résidence impériale du Pharo ; un Casino devait en faire un des plus bel ensemble balnéaire d’Europe, mais ce projet échoua.

Structure privée de pontons de bois posés sur les rochers et sur pilotis, le « bain de mer » partage alors sa plage de sable blanc avec les barques de pêcheurs Catalans. Dès leur arrivée, les premiers baigneurs contestèrent la présence des Catalans qui se retirèrent petit à petit en laissant seulement leur nom à la plage et au quartier. C’est à cette époque que de nombreuses installations (cabines, douches toilettes, plongeoirs.) sont construites, favorisant ainsi le développement des pratiques corporelles des Marseillais (natation, aviron, gymnastique).

Au cours des années 1920, la plage des Catalans est une plage renommée pour ses culturistes : des anneaux et quelques barres fixes constituaient les agrées, beaucoup de bons gymnastes venaient à cette époque et jusque dans les années 60 pour faire des exercices.

le bain de mer des catalans
Le bain de mer des catalans
On aperçoit immanquablement lorsqu’on passe sur le bord de mer, cet immense bloc de béton daté de 1931, qui fait face à l’anse des Catalans. Initialement destiné à être le Grand Hôtel du quartier, il devient un immeuble d’habitations. 

 

La plage était très compartimentée ; il y avait les gymnastes, les baigneurs, et ceux qui se faisaient bronzer ; les hommes et les femmes ; on pouvait faire également une distinction entre les « pauvres » et les « riches » qui prenaient respectivement l’une des 2 entrées « les grands bains des Catalans » et « les petits bains des Catalans » ; personne ne se mélangeait, c’était le cas de toutes les plages d’Europe.

« La plage est divisée en cinq zones. Celle du milieu, large de cinq cents pas, doit rester vide, elle a pour fonction de séparer les deux secteurs réservés l’un aux hommes et l’autre aux dames. Cette distribution selon le sexe se double d’une frontière sociale. Le secteur dévolu au sexe masculin est divisé en deux zones.

Dans la première, s’ébattent les membres des classes inférieures, dépourvus de cabines comme de voiture de bain. Le second secteur de sable est réservé aux riches, ceux-ci disposent de 20 ou 30 cabines équipées, de voitures et d’un chemin de planches qui évite à leurs pieds délicats d’éventuelles coupures. La 1ère des zones réservées aux dames bénéficie du même type d’équipement, dont se trouvent privées les femmes des classes inférieures, cantonnées dans le dernier secteur » Corbin – Le territoire du vide – 1827

source

 
Large d’environ 50 mètres, et long de 80 mètres, l’immeuble a plusieurs entrées rue de Suez et rue Papety. Une dizaine d’étages en comptant les aménagements sur la toiture, grande loggia au 6e étage et balcons individuels à tous les étages inférieurs. La façade principale comporte sous la loggia la date : 1931 et les initiales MF (Mutuelles Familiales)

Son architecture balnéaire, sa hauteur, sa forme, et sa proximité avec la mer  donne complètement sens à l’expression « architecture paquebot », qui était donnée à certains bâtiments tardifs du style Art Déco dont les lignes et l’aspect général rappelait celui des paquebots.

L’architecte en serait Edouard Dupoux, fils de Théodore Dupoux. A la mort de son père Edouard termina son oeuvre majeure : la basilique du Sacré coeur de Marseille, face au Prado.

L’immeuble serait un des premiers immeubles en béton de la ville. Il est structuré par des piliers en bétons et les ouvertures obturées par une double épaisseur de brique rouge. La couleur initiale de l’immeuble était rouge.

L'immeuble vu depuis la mer
L'immeuble vu depuis la mer

Construit en 1931 pour servir d’ « hôtel » pour les retraités, il est dit dans l’ancien règlement de copropriété datant de 1951,  que l’immeuble, propriété de  « La France Mutualiste » a été vendue par lots sous le régime de la copropriété cette année là : 

Il mentionne la surface au sol :

Le propriétaire :

Le coût initial en 1931 : 

Pour ceux qui veulent encore plus de détails : Préambule du Règlement de 1951

Simone Weil a habité 16 mois au 8 rue des catalans à partir de 1941

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